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En France, 954 000 000 m³ d’eau sont perdus chaque année à cause des fuites sur les réseaux d’eau potable et d’assainissement, soit l’équivalent de 254 400 piscines olympiques ! Pour endiguer ces pertes colossales, la parfaite connaissance du patrimoine et son entretien sont impératifs, notamment grâce au renouvellement des réseaux d’eau.

Faisons le point.

Réseaux d'eau potable et assainissement : panorama de la filière en France

La qualité du prélèvement de l’eau potable, sa distribution et son traitement sont des enjeux majeurs de santé publique. D’après le 10ème rapport de lObservatoire National des services d’Eau et d’Assainissement :

  • La qualité de l’eau potable française est excellente avec un taux de conformité microbiologique et physico-chimique de 98% et 97,7% respectivement;
  • 150 litres d’eau sont consommés chaque jour par habitant, ce qui représente 53 m³ par an; 
  • La longueur du réseau d’eau potable est de 996 000 km contre 380 000 km de canalisation d’assainissement;
  • Il y a 27 600 000  abonnés à un service d’eau potable.

Performance des réseaux d’eau en France

En France, le rendement de distribution d’eau de 79,9%, et pourtant l’équivalent de la consommation annuelle d’environ 18,5 millions d’habitants est perdue dans les fuites…

La raison principale ? Le vieillissement des canalisations. 50% des réseaux d’eau potable et d’assainissement ont été posés avant 1972. Ajoutons à cela la corrosion naturelle des canalisations, un taux de renouvellement faible malgré une hausse en 2021 (+0,63% pour le réseau d’eau potable et +0,43% pour l’assainissement collectif) et une connaissance du patrimoine à améliorer… De nombreux efforts restent à fournir pour booster la performance des réseaux d’eaux.

Sylvie Milliot Maurice Renouvellement réseaux eau potable et assainissement

Face à un renouvellement insuffisant et souvent inégal d’une région à une autre, nous nous sommes tournés vers Sylvie Milliot Maurice, spécialiste en conseil technique auprès des collectivités

Quels sont les enjeux du dimensionnement en fonction du réseau ? Comment arbitrer entre rénovation ou réhabilitation ? Quelles sont les bonnes pratiques à adopter ?

Dans cet entretien, elle nous fait part de son expertise ainsi que les défis auxquels est confrontée la filière de l’eau  :

Q1. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Titulaire d’une maîtrise en Génie des Procédés de l’Environnement obtenu à Montbéliard, j’ai rapidement travaillé dans un bureau d’études qui réalisait des études d’impact essentiellement sur l’environnement. 

J’ai poursuivi ma carrière dans le milieu associatif où j’étais salariée pour le compte d’une association de collectivités, l’ASCOMADE, axé sur des projets innovants pour l’époque. On a été, par exemple, initiateurs de la gestion des déchets au bureau sur la Franche-Comté. 

Par la suite, j’ai commencé mon parcours dans la fonction publique territoriale. J’ai occupé des postes de Directrice des Services Techniques d’abord à Cormontreuil, commune de 9000 habitants, dans la banlieue de Reims. J’ai pris ensuite le poste de Directrice Adjointe des Services Techniques où j’étais plus spécialement responsable du service “Eau et Assainissement”. J’ai ensuite occupé le poste de Directrice des Services Techniques à la Communauté de Communes de Moselle et Madon, collectivité locale de 30 000 habitants qui gère l’eau et l’assainissement en régie.  

Depuis 2015, je dirige mon propre bureau d’étude de maîtrise œuvre et propose des missions de maîtrise d’œuvre, d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le domaine de l’eau, de l’environnement et du bâtiment. J’assure également des missions d’OPC (Organisation, Planification, Coordination) de chantier et d’économiste de la construction.

Q2. Quels sont les principaux enjeux du dimensionnement des réseaux d'eau potable et assainissement ?

Les enjeux du dimensionnement d’eau potable et d’assainissement sont différents en fonction de si on parle de l’eau potable ou d’assainissement. 

  • Si on parle de l’eau potable, les principaux défis sont liés à la qualité de l’eau. Quand un réseau est sous-dimensionné, les usagers ne sont pas satisfaits. Quand il est surdimensionné, la qualité de l’eau se détériore très rapidement, d’où la nécessité d’avoir un dimensionnement juste en fonction des usages du secteur qui est alimenté. 
  • En ce qui concerne les réseaux d’assainissement, le principal enjeu est d’amener l’ensemble des eaux usées vers un ouvrage de traitement (lagunage ou station d’épuration). Le fait de dimensionner correctement les réseaux d’assainissement va permettre d’absorber toutes les eaux usées et d’éviter des catastrophes sur le milieu naturel. Mieux le réseau d’assainissement est dimensionné, moins on a de rejets en milieu naturel et plus on préserve le milieu naturel de pollutions diverses et variées.

Q3. Quelles sont les obligations des collectivités en matière de rénovation et de réhabilitation des réseaux d’eau et d’assainissement ?

Pour rappel, on parle de réhabilitation quand on laisse le réseau en place et qu’on va améliorer la structure de réseau. Par contre, on parle de rénovation de réseau quand on crée un nouveau réseau en lieu et place du réseau existant et qu’on abandonne a posteriori le réseau initial que l’on a remplacé.

Les collectivités n’ont pas d’obligations en termes de rénovation et de réhabilitation des réseaux d’eau et d’assainissement lorsque les réseaux sont bien dimensionnés et répondent aux objectifs qui sont fixés, c’est-à-dire collecter les eaux usées ou distribuer l’eau potable. À partir du moment où il y a un problème qui est décelé (un sous-dimensionnement, un problème de qualité d’eau, un problème de collecte ou de fuites importantes…), la collectivité a le devoir de remédier au problème soit par une rénovation soit par une réhabilitation de réseau.

Q4. Comment arbitrer entre rénovation et réhabilitation ?

Le choix dépend de l’état initial du réseau

  • La réhabilitation va être possible lorsque le réseau d’assainissement n’est pas trop abimé comme des problèmes de fissures ou des petits défauts d’étanchéité.
  • On va plutôt se tourner vers la rénovation quand on a un gros problème de fuites, un sous-dimensionnement de réseau ou pour l’eau potable, un surdimensionnement.
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Q5. Quelles sont, selon vous, les principales bonnes pratiques à appliquer pour le renouvellement des réseaux d'eau, en cas de rénovation ou de réhabilitation ?

Plus le réseau est surveillé, plus on y apporte de l’attention au quotidien, plus les soucis et les anomalies seront détectés rapidement. Les interventions de réhabilitation seront donc préconisées.

La vision sur le long terme permet de planifier les rénovations de réseaux notamment par la mise en place de programmes pluriannuels de travaux 

A contrario, rénover dans l’urgence est signe d’un manque de connaissance et de surveillance de son réseau et donc de pratiques à faire évoluer.

Q6. Dans quel sens va aller la réglementation dans les années et décennies à venir ? Quelles pourraient être les nouvelles contraintes imposées au maître d'ouvrage et aux maîtres d'œuvre ?

En termes d’évolution de la réglementation, l’eau potable et assainissement sont dissociés.

  • En eau potable, la réglementation a déjà énormément évolué ces dernières années. La réglementation d’eau potable s’axera sans doute sur les rendements de réseau. La chasse aux fuites va s’intensifier ainsi que la lutte contre le gaspillage. En parallèle, l’incitation à la récupération des eaux pluviales et à leurs utilisations dans des domaines variés pourrait se généraliser. L’amélioration de la qualité de l’eau sera sans doute encore renforcée.
  • En termes d’assainissement, la réglementation va continuer à évoluer sur une meilleure surveillance des réseaux. Dans les années passées, la mise en place de la surveillance des déversoirs d’orage a été introduite avec l’instrumentalisation pour les plus gros. Dans les années à venir, tous les déversoirs d’orage seront amenés à être instrumentalisés afin d’avoir de meilleures connaissances sur les polluants rejetés dans le milieu naturel. 

Un meilleur dimensionnement des réseaux sera sans doute imposé aux maîtres d’ouvrage et donc aux maîtres d’œuvre. Il sera sans doute demandé de mieux quantifier les charges polluantes des eaux usées pour mieux dimensionner les ouvrages d’épuration. 

En termes d’eau potable un travail collaboratif maître d’ouvrage – maître d’œuvre devra être réalisé pour définir le plus précisément possible les besoins futurs en eau potable, ceci pour éviter d’avoir un surdimensionnement des réseaux que ce soit en eau potable ou en assainissement et tout simplement limiter les surcoûts qui sont liés aux travaux des sur-dimensions.

Q7. Quelles sont les compétences clés à avoir dans une équipe quand on est maître d'ouvrage ou maître d'œuvre en matière d’eau potable et d'assainissement ?

Les compétences du maître d’ouvrage et/ou du maître d’œuvre sur les réseaux d’eau et d’assainissement sont multiples. Les compétences vont allier différents métiers de l’eau et de l’assainissement :  

  • Les canalisateurs qui posent et réparent les réseaux. 
  • Les exploitants de réseaux qui surveillent et se chargent de la gestion quotidienne des réseaux. Par exemple, les chercheurs de fuites qui sont les agents spécialisés dans les inspections télévisuelles de réseaux. Les exploitants de réseaux peuvent aussi être amenés à gérer les parcs de compteurs d’abonnés et les aléas de réseaux tels que les bouchons sur les réseaux d’assainissement.
  • Les électrotechniciens gèrent les pompes et, d’une manière générale, tous les systèmes automatiques et électriques qui permettent à un réseau de fonctionner correctement tels que les surpresseurs, les pompes de refoulement, les instruments de mesures de niveaux et de surveillance.
  • Un pool de personnel administratif est nécessaire pour répondre aux usagers et établir les factures.

Si le maître d’ouvrage a en charge la production et la distribution de l’eau potable et/ou la gestion d’une station d’épuration, il sera nécessaire de se doter de techniciens spécifiques avec :

  • Un profil de chimistes pour la production d’eau potable ou le traitement des eaux usées et 
  • D’un bureau d’études pour définir les besoins en amont des travaux réalisés par les canalisateurs.

(Propos recueillis en février 2020 par Natalia Gutierrez).